La nouvelle de Bernarbracam |
La Brough Syrienne Le soleil déclinait...
Déja quelques oiseaux sortant de la torpeur de cette journée
de fin d'été , venaient égayer de leur chant
la palmeraie où nous étions installés depuis
deux mois, près de Al Harat dans le
nord de la Syrie.° Je vis apparaître dans un nuage de poussière, sortant
d'un défilé rocheux qui le masquait à nos yeux,
un équipage des plus inattendu : un militaire en tenue
d'officier chevauchant une moto de forte cylindrée ! A 10 mètres de l'endroit où je me tenais, il arrêta son moteur, leva ses lunettes sur sa casquette qu'il avait à l'envers, posa son havresac à terre et me lança : -Hello Bill, how are you my dear ? Et là, je reconnu le Major Thomas Edward Shaw, officier SR du 15ème régiment de sa majesté le roi George V : mais que venait-il faire en cette contrée pour le moins inhospitalière ? Nous nous saluames avec chaleur car notre
amitié était réelle, mue par une passion commune
découverte au
TT de 23 sur l'ile de Man.
- Mon cher, je suis en mission. J'ai fait
un détour par El Harat pour te saluer J'avais en face de moi une
machine couverte de poussière dont seul le réservoir nickelé, lustré par les genoux
de son conducteur, renvoyait par
éclats les rayons du soleil couchant. - Je suis très
heureux d'être ici car j'ai perdu sur la piste, ma réserve
d'huile pourtant bien fixée et je suis au
mini dans les réservoirs ! Je m'approchais
de l'engin et reconnu une splendide Brough Supérior SS 100 dont le collecteur d'échappement
était fendu sur le tube inférieur, ce qui explique
le bruit sur la piste diffusé amplement par le 1000 Je donnais quelques
instructions pour redonner une certain lustre à cette machine,
puis Thomas et moi nous dirigâmes vers la cantine quand un bruit d'avion nous captiva :
c'était le Postal du vendredi ; un vieux Devon FE 2b
de 150 hp atterrissant sur la piste de fortune avec des embardées dignes des meilleures
cascades. En bout de course
le pilote sorti de son bacquet après avoir lancé à
un mécano présent une sorte de colis logé
dans le deuxième bacquet du tandem La nuit tombait,
joyeux et repus, nous nous préparions à passer une
bonne nuit non sans avoir largement abusé de notre Glenn
préferé. Le lendemain,
debout dès cinq heures, après "les couleurs",
tout le monde reprend la routine journalière :(garde, exercices
et corvées) Vers dix heures, le soleil est à son apogée
et darde de ses lames de feu ce pays de pierres et de sable. Thomas vient
d'apparaître ; je vais à sa rencontre. La
Brough est devant sa tente. Elle a été
bichonnée, la fuite sur l'échappement est maintenant étanchée provisoirement
et les suintements d'huile sur la boite n'apparaissent plus.
- Tu admires
ma maitresse, me dit mon hôte. Regarde cette splendeur mécanique
et 100 Mph my dear. Its my fast lady. - Georges m'a assuré qu'avec la 100 SS, j'irai jusqu'au bout du monde. J'avais sous les
yeux une merveille d'équilibre et la
puissance majestueuse du JAP 980cc de 45 hp. Que de pureté dans ces deux cylindres dressés
comme un défi et s'harmonisant avec la ligne fluide du réservoir
nickelé, permettant ainsi par la ligne d'échappement si particulière avec ses deux pots superposés terminés en queue de poisson. - Bill, il
faut que nous quittions » - Je dois me rendre
à Alep. Je viens de recevoir un vibro °°° vers 9h je rentre définitivement au pays ; tout est organisé en haut lieu. - A ce sujet je prends le taxi, le pilote a reçu l'information. Mon vieux Bill, je te demande de bien vouloir me réexpédier la Brough dans 3 semaines vers le port de Lattaquié
d'où elle doit rentrer en Angleterre par le Victoria Quenn. » Je ne puis
qu'acquiéscer dans son sens. Dans l'heure suivante Thomas était près de nous quitter. Il vint me saluer, s'éloigna vers l'avion tous pleins faits, s'arnacha du parachute et jeta son barda dans le bacquet. Il grimpa et me fit un signe de la main. Le Devon se rendit en bout de piste ; le pilote mis les gaz, le biplan s'élança dans le hurlement de ses 9 cylindres
en étoiles. L'avion disparu bien vite derriere un piton rocheux, s'envolant vers le nord. Nous ne devions plus nous revoir car nos chemins étaient
différents. Thomas fût
anoblit et j'appris bien plus tard qu'il se tua Ainsi disparut Sir
thomas Edward Shaw dit Lawrence d'Arabie.
Je dédis
cette nouvelle à sa mémoire en souvenir de notre
amitié et de notre passion commune pour le sport motocycliste.
Signé Captain William Sydney Horton Ex offiçier
de sa Majesté le Roi Georges, détaché et commandant la
8éme compagnie du 143 ème régiment d'infanterie coloniale basée au
Moyen Orient. Ndlr : ( ° ) Il faut savoir que la Syrie était
sous mandat Français depuis 1920 mais
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