La LABOR 98 cc 1939

 

Nous sommes en 1945 ; les heures noires s'effacent doucement.

Dans un village du sud Sarthe, une jeune femme vient
de m'acquérir chez le Maréchal-ferrand, réparateur de
cycles et forgeron à ses heures.

Il est vrai que je suis séduisante avec la livrée bleu-nuit
et mes filets dorés, je brille de tout mon nickel ; Oui je
suis encore nickelée car mes frères et mes soeurs ont vu
le jour dans les années 20. ils n'ont pas tous l'embrayage
qui me valorise et cette boite à 2 vitesses qui me permettent de filer à 40 km/h (une folie vous dis-je).

Vous m'avez  deviné : je suis une BMA(que ce terme est horrible) Avec un cadre ouvert modèlè dame, on
m'appelle aussi Ecclésiastique car je peux accueillir
Mr le Curé mais ma préférence va aux
   dames pour
lesquelles je reçois leurs si jolis frou-frou.

Pour mieux me connaître, je suis une Bma de marque LABOR  : Type AS2  Modèle 1933, mais moi je suis
née en 39 !
Mon moteur est un Zurcher 98cc   2 tps.

J'ai été accueillie au sein du groupe Gentil  avec
Thomann, la Française, Armor et Olympique.
 le Groupe
a racheté
  mes Parents en 1927  car nous sommes d'une vieille famille française : ainsi mes grands-parents fabriquaient déjà des cycles et mes arrières-grands-
parents du matériel ferroviaire.

                   ____Mes  aventures____                                       

Au début j'assurais la promenade dominicale dans les environs de L'homme (72) puis ma charmante conductrice décida de m'utiliser pour se rendre à son emploi.

Moult crevaisons et réparations s'ensuivirent, petit à
petit, malgré
 de bons soins, ma livrée ternissait ; je vieillissais de plus en plus et il m'arrivait d'aller me recycler  (c'est le mot) chez le réparateur-forgeron du
pays.Je fus même empreinte par un rustre qui me fit
subir outrages et injures lorsque je ne lui donnais
  pas satisfaction.
Il vint un temps ou, usée par des chemins chaotiques,
on deçida de me laisser me reposer sous un hangar; à attendre je ne sait quoi.
   Quelques temps plus tard  une nouvelle compagne me rejoignit, ( une 4 cv il me semble), Ainsi ma cavalière me délaissait 

Le temps passait. Puis dans les années 80 ont vint me chercher ; un jeune homme me pris dans sa fermette avec
la ferme intention de me restaurer un jour ... 
On m'a même remisée
  dans un grenier pour que je ne subisse pas les affres de l'oxydation mais le mal était en moi

De longues années passèrent ; puis un jour la porte du grenier s'entrouvrit et je fis la connaissance d'un 
"ancien amateur de vieilles mécaniques" qui fut séduit
par mes formes et mon
 cadre  ouvert. On me tira, me
hissa, je dégringolai de mon grenier.
Le temps avait fait son oeuvre :
  je n'étais pas brillante.

Mes roues étaient bloquées, mes  pneus  gercés, mon
cadre rouillé, mon réservoir fuyard, enfin je n'étais pas
belle a voir ; Mais j'avais gardé tous mes membres, tous mes attributs et ce fût une chance pour moi.

___La ressurection_____

On m'installa dans un atelier ou malgré mes rides, mes restes ont du séduire car on m'a pris en photos sous
tous les angles.  je me suis même surprise a laisser échapper une larme huileuse...

La clinique était chaude et la vie, pour  moi, devait
revenir par des soins esthétiques importants.

Je fus désossée, nettoyée, ponçée, polie . J'ai du subir
d'affreux traitements car mon cadre, rouillé, a été
plongé dans un étrange bain que l'on dit acide afin de
me mettre à nue. On s'empressa de me passiver avant de
me recouvrir de plusieurs couches
  d'apprêt. Je du
ensuite passer dans les mains de mon nouveau maître
pour un ponçage soigné afin de pouvoir recevoir ma nouvelle robe.

Mon coeur s'était arrêté il y a bien longtemps mais on a
su lui redonner de la voix
 

Mon système électrique  fut refait. On changea tous mes roulements, mes rayons et mes pneus.

Enfin  j'ai repris ma belle couleur  bleu-nuit et mes filets dorés  attirent désormais bien des regards. On a même retrouvé les filets pare-jupe  qui faisaient ma singularité.
 

Les  accessoires qui avaient été dispatchés pour
réfection
  m'ont été remontés comme il y a 63 ans
aujourd'hui.

Maintenant je gambade joyeusement et mon rire enchante mon  nouveau maître

Des séances photos, les expositions me ravissent, j'ai
même eu les honneurs de la presse.

 

 

 

___Conclusion_____

Mon caractère reste entier, je ne suis pas de celles que
l'on commande par une simple poignée tournante.

Mes leviers sont nombreux et ne  se laissent pas
s'apprivoiser facilement. Mon coeur pour, ne pas dire
mon moteur, est commandé au guidon par
  une manette
à droite surmontée d'une seconde commandant ma boite.
  Sous ces manettes, il y a le levier de frein avant ( un ralentisseur semble-t-il ? )    A gauche le levier de
débrayage en dessous duquel se situe le levier de frein arrière, sans oublier celui de compresseur
   pour arrêter
mon coeur
  en fin de balade...
Il faut que je vous dise : je suis encore vierge...de
toute immatriculation car dans ma jeunesse ce n'était
pas utile. Mais faudra-t-il y penser désormais ?
  

                                                 Miss  Labor.
 Article paru dans La vie de la moto du 1er juin 2004

 

 

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